Sous un gilet jaune, il y a... Jean-Jacques

#gilets_jaunes

13 juin 2019

 

Suite de notre petite radioscopie de la France qui se réveille, avec une série de portraits sans retouche de gilets jaunes.

Aujourd’hui : Jean-Jacques.

6. Jean-Jacques

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Photo : Nepthys Zwer, 2019.

À 80 ans, je suis le doyen des gilets jaunes de Strasbourg République. J’ai vécu une enfance et une jeunesse heureuses à Paris, dans une famille catholique. Mes maîtres à penser sont Jésus, bien sûr, Saint Augustin, le dominicain d’extrême gauche Jean Cardonel, l’ex-cistercien Bernard Besret, Bertrand de Jouvenel et Albert Einstein.

J’ai été dessinateur industriel, j’ai servi 16 mois en Algérie. Catholique d’origine, j’ai épousé, avec Mimi, la femme de ma vie, le protestantisme réformé libéral. De notre union sont nés cinq enfants. Je partage avec mon épouse la passion et l’engagement pour la promotion de l’orgue au sein de l’Union des Églises Protestantes.

« Mai 68 » fut, en quelque sorte, ma seconde conversion. Je suis alors véritablement tombé dans la politique. J’avais 29 ans. Ce moment a complètement changé mon regard, sur moi comme sur le monde. J’ai découvert qu’un monde était à l’agonie et qu’il fallait se mettre à l’œuvre pour en bâtir un nouveau. Ces événements étaient un véritable canevas, bien sûr utopique sur le moment.
Durant les quelques semaines qu’ont duré ce que l’on a appelé « les événements de mai 68 » et les mois suivants, une parole inédite est apparue dans les médias, impensable avant que ceux-ci n’éclatent. Songez que pas moins de six cents ouvrages sur les sujets les plus divers ont été publiés durant cette période. J’ai découvert Edgar Morin, Cornelius Castoriadis, Claude Lefort, Alain Touraine, puis les écologistes Ivan Illich et Jacques Ellul...

Prenant au mot J.J. Servan-Schreiber : « Le temps des agitateurs est venu », je me suis engagé dans cette voie, pensant que cela allait se faire rapidement… J’ajoute que, sur le plan politique, une idée forte s’était peu à peu imposée à moi, à savoir que dans le régime politique qui était le nôtre, ceux qui parlaient en notre nom (les hommes politiques) étaient des fumistes et, par conséquent, que la démocratie parlementaire représentative était obsolète, condamnée d’autant plus avec la révolution numérique en gestation.

Hélas, le temps a passé et sous la poussée des forces conservatrices l’immobilisme politique s’est imposé au fil des décennies.

Sans sacrifier ni famille, ni amis, ni ma profession (exercée tout d’abord en tant que salarié, puis en tant qu’indépendant), je milite depuis ce temps pour l’écologie et, comme De Gaulle l’avait laissé entrevoir en 1969, pour un changement de régime politique. Depuis mon départ à la retraite en 2000 et le décès de mon épouse en mai 2018, je m’engage encore plus énergiquement dans mes activités militantes, notamment au sein de la coordination anti GCO (Grand contournement Ouest) [1].

Dès le début, j’ai rejoint les gilets jaunes de Strasbourg République. Inutile de dire que lorsque ce mouvement a fait irruption sur la scène politique, il m’est apparu comme providentiel. Moi qui me consolais depuis des années, répétant que la patience est une vertu révolutionnaire... Je pense qu’enfin l’Histoire est en marche et que les choses ne vont pas en rester là.

Je me suis rappelé que les leaders de mai 68 avaient, au lendemain de ces événements, donné rendez-vous à la société dans 45/50 ans.

Ils avaient vu juste !

↬ Jean-Jacques