7. Liliane
Je suis à la retraite depuis 2010. Après 43 années de travail, je perçois 1197 euros nets mensuels. Depuis 9 ans, j’ai bénéficié de moins de 10 euros d’augmentation ! Mon loyer est de 450 euros. Le coût de la vie est monté en flèche : essence, électricité, gaz...
Par conséquent : je ne vis pas, je survis.
Le 17 novembre 2018, je m’apprête à fêter mes 68 ans ! 68, cela me rappelle des souvenirs… Quand un appel est lancé sur les réseaux sociaux pour venir manifester en gilet jaune, avec une amie, nous n’hésitons pas une seule seconde et rejoignons le rond-point de l’Europe à Auxerre. Il y a entre 300 et 400 personnes.
Au fil des semaines qui suivent, nous nous organisons pour occuper le rond-point et nous participons à toutes les manifestations possibles : Paris, Auxerre, Sens, Dijon, Troyes…
À Auxerre, nous avons fondé l’APA (Assemblée Populaire d’Auxerre). Les gilets jaunes se réunissent tous les mercredis de 18 h à 23 heures. La population est invitée à se joindre à nous. Tout le monde peut s’exprimer ! L’APA se définit comme anti-raciste, anti-fasciste, anti-sexiste, anti-capitaliste. Nous sommes pour la liberté, la démocratie directe, et le pouvoir au peuple !
Il faut que nous parvenions à faire des jonctions avec toutes les bonnes volontés (syndicats, étudiant
es, personnels hospitaliers, agricultrices et agriculteurs, cheminots...). L’État et ses complices, les forces de l’ordre, les magistrats, les médias, je les accuse de vouloir nous détruire par tous les moyens.Il faut construire un contre-pouvoir si l’on veut changer le système en place. C’est l’injustice sociale qui a créé les gilets jaunes ! Tant que rien ne changera, nous existerons, malgré l’extrême répression.
Parmi nous, les personnes blessées ou prisonnières politiques se comptent par centaines. J’ai assisté à des scènes terribles pendant les manifs : gazages à outrance, matraquages… Par exemple, lors de la manifestation du 1er mai à Paris, j’ai vu de mes propres yeux cette jeune fille qui avait reçu un coup de matraque sur la tête. Elle n’avait pourtant pas l’air d’être bien dangereuse. Elle gisait à terre, le crâne ouvert, et saignait abondamment. Mais elle n’a pu être prise en charge par les pompiers qu’avec beaucoup de retard, car les camions de gendarmerie bloquaient les accès…
De tout cela, je conçois une profonde tristesse. Malgré tout, je garde dans mon cœur toutes les belles personnes que j’ai rencontrées depuis un an, qui me permettent de croire en notre combat pour l’avenir de nos enfants et petits-enfants. Et ceux des autres également.
Cette société actuelle, je n’en veux plus. Ce que je souhaite c’est que nous soyons nombreuses et nombreux à prendre conscience qu’ensemble nous pouvons êtres fort
es et faire changer les choses.Un grand mouvement solidaire est né et il se maintient, malgré l’extrême répression que nous subissons.
Je terminerai avec notre devise :
Courage, force et honneur !
On ne lâche rien !
Gilet jaune un jour, gilet jaune toujours !
↬ Liliane