À Athènes, (sur)vivre dans la terreur (4/4)

#Migrations #Asile #Migrants #Réfugiés #Grèce #Ségrégation #Racisme #Extrême_droite #Athènes #Petrou_Ralli

31 août 2015

 

Alberto Campi et Cristina Del Biaggio présentent ici le quatrième volet de la série de reportages (effectués en 2012) qui nous mène d’Istanbul à Patras en passant par Alexandropouli, Athènes et la région de l’Evros.

Texte de Cristina Del Biaggio

Géographe, maître-assistante à l’Université de Fribourg et chargée de projet pour l’association Vivre Ensemble

Photos d’Alberto Campi

Lauréat du Swiss Photo Award 2012 pour ce reportage sur la Grèce intitulé « Beyond Evros Wall »

À Kumkapı, avant de passer la frontière (1/4)
Dans la région de l’Evros, un mur inutile sur la frontière greco-turque (2/4)
Dans le train pour Athènes : ségrégation mode d’emploi (3/4)
À Athènes, (sur)vivre dans la terreur (4/4)


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La gare de Larissa à Athènes.
Photo : Alberto Campi.

En Grèce, à la séparation ethnique dans les trains (lire Dans le train pour Athènes : ségrégation mode d’emploi) s’ajoute une pratique de ségrégation urbaine - aux contours mal définis - de « confinement » des migrants. Selon la définition qu’en donne le sociologue Loïc Wacquant, ces quartiers urbains peuvent être assimilés à des « ghettos », en tant qu’instrument de fermeture et de contrôle [1].

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Athènes, 26 juillet 2012.
Des enfants afghans jouent dans la place Omonia, au centre du « ghetto d’Athènes ». C’est ici que se négocient les faux passeports pour quitter le pays et se rendre dans le reste de l’Europe...
Photo : Alberto Campi.

À Athènes et Patras, ces « ghettos », d’où les migrants n’osent pas sortir et où le contrôle s’effectue par la violence de la police et des escadrons néonazis, étaient plus ou moins permanents en 2012. Les quartiers du centre ville d’Athènes, notamment, étaient concernés, là où les migrants arrivent encore aujourd’hui tant bien que mal à se loger, ainsi que les zones traditionnellement investies par les nouveaux arrivants, telles que le pont situé entre la gare et le siège d’Aube dorée, qui abrite des Maghrébins sans domicile fixe. Ou encore le parking utilisé comme habitation par les Afghans à Patras, et la forêt d’eucalyptus, proche du port, où campent les Africains sub-sahariens. Sans oublier les champs d’oliviers occupés par les Afghans dans la périphérie de Patras.

Carte postale

« Ferrailleur et sans perspectives »

Avant d’arriver en Grèce il y a deux ans, ce migrant Mauritanien au grand sourire a vécu deux ans en Libye. Il a essayé de demander l’asile en Grèce, mais après une série de tentatives qui ont toutes échouées, il a décidé de laisser tomber : « Par fatigue », explique-t-il.

Maintenant il vit à Athènes, dans un appartement qu’il partage avec huit autres personnes provenant d’Afrique sub-saharienne. Le loyer est de 200 euros par mois, à diviser par 8. Plus l’électricité, l’eau et le chauffage, ajoute-t-il.

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Photo : Alberto Campi.

Comme beaucoup d’autres migrants, il récolte les déchets dans la rue. Nous le rencontrons alors qu’il est en train d’attacher son chariot à un poteau. C’est son seul instrument de travail, précieux pour lui. Il fait faire beaucoup de tours au fil de fer qu’il utilise comme cadenas.

Il récolte, comme les autres Africains, de la ferraille. Le fer est payé 17 centimes d’euro par kilo. L’aluminium 60 et le cuivre 70. Le papier, payé 6 centimes le kilo, est récolté par les Pakistanais et les Bangladais. Le travail est lourd, car le centre de récolte se trouve loin du centre d’Athènes. Le chemin est rendu encore plus long par les détours que les récolteurs d’ordures sont obligés d’effectuer. En effet, les groupes de néo-nazis connaissent leur itinéraire. Et dans les rues les plus fréquentées, ils s’amusent à renverser les chariots des migrants. Un gâchis de temps pour ces derniers, qui doivent amener leur marchandise avant la fermeture du centre de récolte, prévue à 16 heures. Mieux vaut alors accumuler des kilomètres en choisissant des rues qui ne sont pas patouillées par les supporter d’Aube dorée.

Texte initialement publié sur le site de l’association Vivre Ensemble en 2012.

Dans tous ces lieux, il n’y a pas de mixité. Rares sont les Grecs qui y mettent les pieds, car ces zones sont considérées « dangereuses » du seul fait de la présence des migrants. La ségrégation ethnique est en grande partie due à la représentation que les Grecs ont des « quartiers de migrants », mais elle est également le fruit de la « chasse à l’homme » que subissent les étrangers et qui a notamment suivi l’opération policière Xenios Zeus, lancée en août 2012 par le gouvernement grec (sur cette opération policière v. notamment cet article). Cette « chasse à l’homme » a contraint les migrants de se déplacer dans d’autres quartiers, rejoignant les communautés déjà installées dans ces endroits.

Dans la ville d’Athènes se dessinent alors des « no-go areas », où la probabilité de se faire attaquer par des groupes de racistes ou par les policiers est très élevée. Ces lieux se situent au cœur même de la capitale, autour des quartiers d’Omonia, Attica, Victoria Square et Agios Panteleimonas où nous avons été bousculés par les tenanciers d’un kiosque, au motif que nous n’étions pas Grecs...

Quelques mois auparavant, les habitants aidés par les miliciens d’Aube dorée, tolérés par la police, avaient procédé au « nettoyage » de tous ces quartiers. Maintenant, plus personne n’a le droit de les « salir ».

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La place de Attiki (Attiki Square) à Athènes : seuls les Grecs sont autorisés à marcher sur la place.
Alberto Campi 2012.
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Athènes la nuit..
Alberto Campi 2012.

Le titre du rapport de Human Right Watch (HRW) est emblématique : Hate on the street (2012). On y découvre la violence qui règne dans la capitale hellénique : « Les migrants et les demandeurs d’asile nous ont raconté l’existence de véritables "no-go areas", de zones dans lesquelles on ne va pas la nuit, par peur d’être attaqués par des groupes de Grecs violents. »

D’autres chercheurs, journalistes et cinéastes ont régulièrement témoigné, dans ces années-là, de ce climat de terreur présent à Athènes : Amnesty International, 2012 ; ECRI, 2009 ; Triandafyllidou & Ambrosini, 2011, p.261 et suivants ; Bird, 2013 ; le rapport 2012 du Racist Violence Recording Network ; les trois billets du blog de Keddie ; les films « L’Escale » de Bakhtiari, 2013 ; « Fuir Athènes à tout prix » de Meier et Rühle, 2013.

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Un groupe de migrants « somnolent » autour de la gare d’Athènes.
Alberto Campi, 2012

Le président de l’association des Afghans à Athènes a réagi aux dangers auxquels ses compatriotes étaient confrontés par la conception et la distribution d’une carte de la ville pour qu’ils puissent identifier les zones à éviter. Une méthode qu’il avait apprise quand il travaillait pour la Croix Rouge en Afghanistan [2]. Quand nous lui avons demandé une copie de cette carte, il a refusé de nous la donner : « Je l’ai montrée à quelqu’un une fois. Après cela, j’ai reçu beaucoup d’appels d’Aube dorée et ils m’ont menacé. Je ne l’ai plus montrée. C’était normal de le faire, mais je ne sais pas pourquoi c’était si intéressant pour eux. Ils m’ont appelé et ils m’ont dit : “Tu as une carte, pourquoi fais-tu cela ? Ce n’est pas bon pour la Grèce.” Je leur ai répondu : “C’est la réalité de ce qui se passe à Athènes” ».

Carte postale

« Chaman, réfugié politique afghan »

Chaman est aveugle. Il a 19 ans. Sa famille a quitté l’Afghanistan pour l’Iran lorsqu’il avait 6 ans, quand le pays était dirigé par les Talibans. En 2008, Chaman fuit l’Iran et le régime d’Ahmadinejad. Il a aussi l’intention de soigner sa cécité. Il était déjà complètement aveugle lorsqu’il a traversé la frontière entre l’Iran et la Turquie et entre la Turquie et la Grèce. Deux amis l’ont aidé et ont été ses yeux pendant le voyage.

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Photo : Alberto Campi.

L’un a entre temps quitté la Grèce et se trouve en Allemagne ; l’autre est toujours à Athènes, comme Chaman. Chaman vit maintenant proche du quartier d’Omonia dans le centre d’Athènes, dans une modeste chambre d’hôtel payée par le gouvernement grec. Il parle farsi, grec, anglais et un peu l’arabe. Il échange ses capacités linguistiques pour aider ses compatriotes : il les accompagne chez le médecin, chez un avocat ou pour un rendez-vous auprès de l’administration contre de l’aide pour accomplir ses tâches quotidiennes. Son rêve est de s’échapper de la violence en Grèce et de devenir avocat dans un autre pays européen.

Texte initialement publié sur le site de l’association Vivre Ensemble en 2012.

Sur la base des témoignages collectés et des rapports lus, nous avons dessiné une carte montrant une claire démarcation entre la zone sûre d’Athènes pour les migrants, en vert, et la zone dangereuse, en rouge. Dans les zones dangereuses, les migrants sans abri restent vigilants et se permettent de somnoler uniquement pendant la journée. Les chiffres concernant les attaques contre des migrants, tirés du rapport de HRW, ne sont pas exhaustifs, mais néanmoins plus fiables que les statistiques officielles du gouvernement grec, lequel a enregistré seulement deux crimes racistes dans toute la Grèce en 2009, un seul en 2008 [3] et neuf depuis 2011 [4]. À ce climat de tension et de violence dans les villes grecques, les autorités ne donnent qu’un réponse très « molle ».

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Carte d’Athènes.
Cristina Del Biaggio et Alberto Campi

Le résultat, c’est une extrême ségrégation de la ville, avec l’existence de zones non fréquentées ni habitées par des migrants [5]. Dans ces zones, la violence physique et symbolique, notamment par la présence de graffitis nazis, sont monnaie courante (citons à ce propos le travail du photographe Giorgios Moutafis).

Le dépôt des demandes d’asile à Petrou Ralli

C’est dans ce contexte et cette atmosphère que vivaient les demandeurs d’asile qui déposaient, en 2012, leur candidature pour obtenir le statut de réfugié. Sans rentrer dans les détails du système législatif grec concernant l’asile [6] et sur ses réformes intégrées dans le « Greek action plan on asylum and migration movement », nous portons notre attention sur les modalités et les lieux où se faisait le dépôt des demandes d’asile à Athènes, pour montrer ce que nous appelons la « géographie de l’impunité ».

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Graffiti dans Athènes.
Alberto Campi, 2012

La situation des demandeurs d’asile en Grèce est dramatique, comme le démontre l’arrêt M.S.S./Grèce et Belgique de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 janvier 2011 [7]. Celui-ci a eu comme conséquence qu’« aucun demandeur d’asile ne peut être transféré en Grèce sous peine d’enfreindre l’article 3 de la Convention de Dublin » (Maiani & Néraudau, 2011, p.18).

Grâce à la carte publiée par le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés sur le taux d’octroi de l’asile ou de la protection subsidiaire, on comprend vite que dans la « loterie de l’asile », il vaut mieux ne pas chercher à formuler sa demande en Grèce : le taux de reconnaissance y est le plus bas d’Europe. De 2006 à 2011, les autorités grecques avaient accepté en première instance, annuellement, moins de 2 % des demandes d’asile [8].

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Taux d’octroi de l’asile par pays européen et en pourcentage des demandes déposées en 2010.
Vivre ensemble (Genève)

À cela s’ajoutait, jusqu’à la réforme du droit d’asile grec, un autre problème : la police était simultanément responsable de l’arrestation et du renvoi des migrants en situation irrégulière, et de l’examen (et de l’octroi) des demandes d’asile [9]. La police grecque, en d’autres termes, persécutait autant qu’elle protégeait. Une contradiction qui a disparu avec l’application de la nouvelle loi.

Ce qui, jusqu’en juillet 2012, n’avait pas encore changé, c’était la manière de « gérer » les réfugiés. Les demandes d’asile étaient reçues et enregistrées une fois par semaine à Athènes (à raison de 20-25 demandes maximum à chaque fois), qui gère 95 % des demandes d’asile déposées en Grèce [10]. La procédure d’asile pensée par les autorités donnait le plein pouvoir à la police.

Petrou Ralli est le nom d’une avenue dans une zone industrielle d’Athènes. Trois kilomètres séparent le centre ville et le numéro 24 de Petrou Ralli, où se situe le département de police des étrangers. C’est là que les migrants sont détenus avant d’être expulsés ; c’est aussi là qu’ils se rendaient pour déposer leur demande d’asile. Des rapports (Amnesty International, 2010 ; UNHCR, 2012) et des articles scientifiques (Karamanidou & Schuster, 2011 ; McDonough & Tsourdi, 2012 ; Ritaine, 2012) ont décrit assez précisément la manière dont étaient traités les migrants à Petrou Ralli.

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La « file » de Petrou Ralli.
Alberto Campi, 2012
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Dans la « file » de Petrou Ralli.
Alberto Campi, 2012

La distance séparant le centre ville de Petrou Ralli n’est pas si importante, mais il faut bien comprendre que ce secteur est complètement isolé du reste de la ville. Une coalition d’ONG a qualifié la manière dont la procédure de dépôt était organisée de « piège bureaucratique » [11]. La géographie du lieu semblait être pensée pour que le jeu des pouvoirs ne soit ni dévoilé ni dénoncé, et faisait de Petrou Ralli également un « piège géographique ».

Karamanidou et Schuster imputent au manque d’organisation et de personnel la raison des longues queues à Petrou Ralli pour le dépôt des demandes d’asile [12]. Si, en 2009, on comptait encore 2 à 3000 personnes faisant la queue pour demander l’asile [13], à l’été 2012, selon nos observations, le nombre avait drastiquement diminué. Nous avons vu entre 200 et 300 migrants prenant place dans la file dans l’espoir d’obtenir le papier rose de l’asile. Parmi ceux-ci, uniquement les 20 premiers ont le droit de déposer leur demande [14].

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Un migrant regarde la « file » pour le dépôt des demandes d’asile à Petrou Ralli.
Alberto Campi, 2012

Il est intéressant de noter comment cette « file » s’organise. Les migrants font la queue dans la rue Salaminias, une ruelle parallèle à Petrou Ralli, entourée par des édifices industriels et abritant un parking pour camions. L’entrée de l’édifice pour les demandes d’asile se trouve à 300 mètres de là. Un migrant d’origine ivoirienne nous a expliqué comment la « file de Petrou Ralli » était, à ce moment-là, sous le contrôle de groupes de migrants qui faisaient… un business autour des premières places [15]. Selon les témoignages que nous avons récoltés, ce jeu de pouvoirs entre groupes de migrants aurait été impossible sans la complicité de la police [16].

Le 21 juillet 2012, nous avons voulu observer ces procédures dans le secteur de Petrou Ralli.

Un cordon et deux policiers bloquaient l’entrée entre la rue Salaminias et la rue Agias Annis vendredi à minuit. Après cela, plus personne ne pouvait entrer. Curieux, vu qu’il s’agit d’une rue, donc d’un lieu public que tout le monde devrait pouvoir fréquenter. Pendant le temps que la police nous a octroyé pour parler avec les migrants, ils nous ont essentiellement questionnés sur le fonctionnement de l’asile. Des questions notamment sur les vingt premières places (toujours occupées par des ressortissants d’Afrique sub-saharienne), mais également sur les procédures mises en place par les autorités grecques. Des questions auxquelles nous n’avons pas su ou voulu répondre, mais qui montrent le désarroi des migrants face à un système opaque.

Dans la nuit du 27 au 28 juillet, nous sommes retournés deux fois à Petrou Ralli. Nous avons quitté la rue Salaminias vers 20 heures, afin d’y retourner vers minuit, lors de la sélection. Ce qui s’est passé vers 20 heures montre bien ce que nous qualifions de « géographie de l’impunité », et que nous avons visualisé sur la carte ci-dessus : juste après que nous ayons quitté les lieux, alors que nous attendions le bus sur l’avenue Petrou Ralli, un groupe de motards habillés avec des tee-shirts du parti Chrysi Avgi se sont arrêtés au feu, en menaçant le groupe de migrants qui étaient avec nous. Au feu vert, les motards ont continué leur route en direction de l’autoroute.

Ce n’est qu’à notre retour dans la « file », vers 1 heure du matin, que nous avons compris la stratégie des néo-nazis. Connaissant certainement le fonctionnement des procédures d’asile, après le croisement ils ont tourné à droite et rejoint la rue Salaminias. Sous les yeux de la police, qui n’est pas intervenue, ils se sont arrêtés devant la « file », craché sur les migrants, lancé leurs casques contre eux et sont aussitôt repartis quelques minutes après.

Cette procédure soulève des questions sans réponses : pourquoi la police fermait-elle la rue Orfeos au public à minuit, quelques heures avant la sélection ? Pourquoi la sélection se faisait-elle en pleine nuit ? Pourquoi ces procédures administratives se faisaient-elles la nuit du vendredi au samedi, jour où les bureaux sont généralement fermés ?

Ces événements montrent qu’à Petrou Ralli, comme dans les centres de détention administrative, c’est le jeu des pouvoirs qui règne. Ceux qui détiennent le pouvoir sont la police, certains groupes nationaux de migrants et les membres d’Aube dorée. On peut se demander si ce qui se passe à Petrou Ralli est le fruit d’une stratégie pensée par les autorités. Toutefois, avec l’ouverture d’un nouveau service en juin 2013, la situation s’est un peu améliorée. Cette nouvelle instance n’est plus gérée par la police, mais par du personnel lié au ministère de la protection du citoyen. Tout un symbole [17]...

« Les murs forment une continuité par rapport aux pratiques extra-juridiques apparaissant partout », écrivait Wendy Brown en 2009 [18]. Sur la frontière, d’ailleurs, comme à l’intérieur du territoire.

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Athènes, sur la voie ferrée.
Alberto Campi, 2012

Ce texte est une synthèse augmentée et mise à jour de deux articles parus dans le journal La Cité en octobre 2012 et dans la revue l’Espace politique en février 2013.