Cartographie des eaux conditionnées

#eau #ressource_naturelle #accaparement

1er janvier 2025

 

L’eau. Une ressource naturelle sans propriétaire. Un commun partagé par toustes dans le respect de règles de droits d’usage équitables sensées assurer sa pérennité et sa préservation. En principe.

Par Agnès Stienne

En réalité, des millions de m³ d’eaux souterraines sont continuellement capt(ur)ées, filtrées, parfois traitées illégalement, embouteillées dans du plastique, puis transportées par camion ou bateau selon la destination, et enfin vendues, très cher, comme eau de table par des sociétés privées. Plate, gazeuse, pétillante, finement pétillante, gazéifiée, dégazéifiée, regazéifiée...

La Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (BNPE) publie sur son site

« les volumes prélevés mesurés ou estimés puis déclarés par les usagers soumis à la redevance pour prélèvement auprès des agences et offices de l’eau ».

En 2024 les données disponibles les plus récentes sont celles de 2022 ou, à défaut, de 2021. Selon ces dernières, les embouteilleurs d’eau de table autorisés ont soutiré plus de 25 millions de m³ d’eau. Sans compter les marques dont les prélèvements n’ont pas été déclarés en raison de volumes captés inférieurs à 10 000 m³ sur l’année. Par contre, d’autres semblent manquer pour des volumes supérieurs.

Par exemple, le captage d’Ô9 en Ariège, dont un article de France Bleu vante les 400 millions de bouteilles (tous formats) produites par an (soit au moins 400 000 m³ ) n’apparait pas sur le site de la BNPE.

Carte des prélèvements d’eaux conditionnées en France métropolitaine (les données concernant les Outremer étaient trop lacunaires pour être représentées).

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Prélèvements annuels d’eaux souterraines par les embouteilleurs d’eaux de table.
Agnès Stienne, 2024.

Sur une seconde carte réalisée sur Umap, chaque marque a sa fiche d’identité et, si nécessaire, quelques infos complémentaires.

On parle beaucoup, à juste titre, des prélèvements de Nestlé et de Danone. Ceux du groupe Alma, ancré sur tout le territoire, sont très largement supérieurs.

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Groupes d’embouteilleurs d’eaux de table et prélèvements.
Agnès Stienne, 2024.

3 litres d’eau pour produire un litre d’eau

Dans un exercice visant à répondre aux « critiques concernant l’eau en bouteille » Nestlé Waters affirme « n’utiliser que 2,5 litres d’eau pour produire un litre de produit ». Le produit en question, c’est de l’eau non transformée. 2,5 litres d’eau pour produire 1 litre d’eau. La firme n’explique ni comment ni à quoi sert ce litre et demi mais il y a des chances que ce soit pour la production de la bouteille en plastique. Et peut-être même un peu plus de 1,5 litre : pour Save 4 planet (et d’autres médias) ce serait plutôt 2 litres. Ainsi, cette eau si « exceptionnelle » et si précieuse n’est pas seulement vouée à désaltérer les populations, elle est exploitée en majorité pour son propre contenant !

Plus de 2 milliards de litres d’eau exportés

Un autre point concerne les exportations. Petites et grandes marques se réjouissent d’exporter notre eau mais sans jamais en préciser les quantités. Les statistiques des finances publiques indiquent que la France a exporté 2 255 997 950 litres d’eaux minérales naturelles et artificielles (gazéifiées) sans ajout d’arômes ou de sucre, en 2023.

Lorsque les exploitants vendent notre eau en France, ils s’acquittent auprès de l’État d’une contribution obligatoire et d’une contribution facultative versée à la commune où est installée l’usine. En revanche, s’ils exportent sans intermédiaire, les exploitants sont exonérés de ces deux taxes.

En novembre 2024, un projet de loi de finances pour 2025 visait à taxer les exportations d’eau en bouteilles par une contribution obligatoire revenant aux communes : l’amendement a été rejeté.

De l’eau potable gratuite en libre accès

Toute notre attention devrait se concentrer sur la distribution d’une eau de bonne qualité à tous les robinets sans exception et mettre à disposition du public les points d’eau gratuits comme l’exige la loi.

No Plastic in my Sea, une association qui milite contre les bouteilles en plastique, a mis en place une carte participative où sont recensés les points d’eau potable de l’espace public et ceux accessibles à certaines heures.

Depuis 1990, en France hexagonale, la ressource en eau baisse de 14% par an.