On doit à la philosophie grecque présocratique le concept des quatre éléments structurant le monde : le feu, l’air, l’eau et la terre.
Certaines cultures asiatiques retiennent cinq éléments.
– Japon : feu, vent, eau, terre, vide.
– Chine : feu, métal, eau, terre, bois.
– Bouddhisme : feu, air, eau, terre, espace.
– Hindouisme : feu, air, eau, terre, éther.
Et si l’on repensait notre perception du monde ? Les sciences ont beaucoup appris, ces dernières années, sur le fonctionnement de la forêt, ses interactions avec le vivant et celles avec les quatre éléments symbolisant les quatre états de la matière (plasmatique, gazeux, liquide, solide). Et si la forêt, état de la matière consciente et sensible, était ce cinquième élément essentiel de notre système vie, la matière des matières ?
La forêt capte la lumière du soleil et la transforme en énergie. Elle fait écran au rayon du soleil trop brûlants et régule le climat. Elle nourrit le feu. Parfois hélas, trop généreusement.
La forêt fixe le gaz carbonique et libère de l’oxygène. Elle assainit l’air et fait barrage aux vents violents.
La forêt pompe de l’eau par les racines et la rejette en partie par les feuilles. Elle filtre l’eau qui s’écoule dans la nappe phréatique ou les cours d’eau et préserve des inondations. Les tourbières et les mangroves sont des réservoirs de biodiversité précieux.
La forêt sort de terre et y retourne en restituant une couche de sol fertile. Elle protège les sols de l’érosion, empêche les glissements de terrain en fixant les sédiments, arrête l’avancée du désert. Sa rhizosphère abrite une quantité phénoménale de micro-organismes indispensables à la constitution du sol.
La forêt est beauté. La forêt est monde. La forêt est source de vie.
C’est ça le problème avec les humains, à la racine de tout. La vie court à leur côtés, inaperçue. Juste ici, juste à côté. Créant l’humus. Recyclant l’eau. Échangeant des nutriments. Façonnant le climat. Construisant l’atmosphère. Nourrissant, guérissant, abritant plus d’espèces que les humains ne sauraient en compter. Un chœur de bois vivant chante aux oreilles de la femme : Si ton esprit était seulement un peu plus vert, nous te noierions de vérité. Le pin auquel elle s’adosse dit : Écoute. Il faut que tu entendes ça.Richard Powers, extrait de L’arbre monde,
traduit de l’anglais par Serge Chauvin, Le Cherche midi, 2018.
Les cinq éléments