Lors d’une présentation au cours de laquelle je parlais de la série de cartes des appropriations de terres à l’étranger par les entreprises européennes, quelqu’un dans le public me posa cette question :
Vous évoquez les pays européens, soit, mais et la Chine en Afrique, et les milliers de paysans chinois qui s’installent en Afrique, vous en dites quoi ? »
La Chine fait peur, à tort ou à raison, mais avec tous ses Chinois, elle fait peur.
Les Chinois, donc, sont nombreux. Avec l’élévation du niveau vie, la demande en viande a explosé alors que les terres arables du pays ne représentent toujours qu’environ 8 % ou 9 % du territoire chinois. Comme les pays développés, la Chine s’est elle aussi lancée dans la conquête de terres fertiles hors de ses frontières. Mais son avidité en terres arables est comparativement moins agressive que celle de l’Italie, des Pays-Bas ou du Royaume-Uni compte tenu de sa population bien plus importante.
Alors que j’établissais la liste des pays convoités par la Chine, je me disais qu’il serait intéressant de faire quelques recherches exploratoires du côté de l’Inde et des États-Unis. Je n’ai pas été déçue.
Une fois les données recueillies depuis le portail dédié à l’appropriation des terres (land grabbing en anglais) « Land Matrix », j’ai identifié quelques lacunes.
Par exemple, les 300 000 ha que le groupe Karuturi exploite en Éthiopie n’étaient pas référencés dans les contrats conclus. J’ai alors ressorti le document édité par Grain en 2012 « Land grab deals » puis recoupé et vérifié les infos des deux sources sur Internet, notamment sur le site Farmlandgrab : il manquait des données importantes pour la Chine, l’Inde et les États-Unis. Pour ces pays, seuls les contrats conclus ont été retenus et, pour garder la cohérence, l’échelle des carrés proportionnels est identique à celle utilisée pour les cartes des pays européens.
À consulter : L’Europe à l’assaut des terres agricoles mondiales
La Chine
Les contrats sont pour la plupart conclus par des entreprises des secteurs de l’agroalimentaire, de l’agrobusiness, de l’énergie, de la construction, ou du gouvernement chinois. Quelques deals sont ficelés par le secteur de la finance, mais ils sont très peu nombreux. Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas en Afrique que les Chinois investissent le plus.
L’Inde
Les investisseurs indiens sont peut-être un peu plus portés sur le business que leurs voisins chinois, mais dans l’ensemble, on retrouve les mêmes secteurs d’activité, sauf celui de la finance, et du public gouvernemental.
Les États-Unis
C’est vertigineux. Plus de 10 millions d’hectares de terres étrangères ont été accaparées pour le compte de firmes américaines. 3 347 200 ha, soit 32,2 % des contrats, appartiennent au secteur de la finance : fonds d’investissements, fonds de pensions, assurances…
À lire :
— « L’Europe à l’assaut des terres agricoles mondiales », 6 août 2014.
— « Vol de terres en Éthiopie », 19 juin 2015.
— « Conquête coloniale et concentration de terres », 5 octobre 2015.