En 1998, Suharto (1921-2008) quitte le pouvoir après 32 ans d’un régime autoritaire tenu par les militaires. Une période de transition s’ouvre sur une série de conflits violents qui n’épargnent aucune des grandes îles du pays. Ces conflits opposent les forces gouvernementales, des groupes armés, et des communautés ethniques ou religieuses (lesquelles d’ailleurs s’affrontent aussi entre elles). Ils se déroulent dans un contexte fortement dégradé par la crise économique de la fin des années 1990 et la récession qui a paupérisé une grande partie de la population.
Entre les années 1960 et 2000, l’Indonésie a connu un triple mouvement de population qui a durablement déstabilisé le pays. Suharto a très tôt mené une politique de « redistribution démographique », poussant de nombreuses personnes à quitter les régions surpeuplées pour « développer » des territoires « sous-peuplés ». Il s’agissait en fait d’une « colonisation intérieure » qui, combiné à une migration interne et externe, a avivé les tensions, en particulier en Papouasie occidentale, dans la région de Kalimantan, Sulawesi et Maluku. Les conflits qui sont nés de cette situation à partir de 1998 ont aussi provoqué le déplacement forcé de millions de personnes dans tout le pays, fuyant aussi bien la violence des forces de sécurité indonésiennes, que celle des groupes paramilitaires et des milices civiles.
L’indépendance du Timor-Oriental en 2002, et l’accord d’autonomie avec le territoire d’Aceh en 2005, marquent la fin d’une période de violence dans ces régions. Ailleurs, les tensions restent vives même si on ne peut pas parler de « conflits ouverts ». En Papouasie occidentale, où la tentative d’établissement d’un statut d’autonomie a totalement échoué, les populations autochtones subissent la répression brutale du gouvernement et restent discriminés par rapport aux colons indonésiens installés par les autorités depuis plusieurs décennies.
Au milieu des années 2000, ces conflits sont exacerbés par les grands projets de déforestation-plantation (pour la production d’huile de palme et l’exportation du bois) dans les régions de Kalimantan et de Papouasie occidentale.
Depuis 2011 de nouveaux groupes islamistes radicaux ont attaqué des minorités religieuses – y compris musulmanes – entraînant une résurgence des violences dans des régions restées jusqu’ici relativement à l’écart de ces conflits.
Selon The Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), qui se base sur des informations publiées par le gouvernement, des ONG et des institutions internationales, il restait environ 100 000 personnes déplacées en Indonésie à la fin de 2014 (et un peu plus de 30 000 en juillet 2015). L’IDMC estime par ailleurs qu’en un peu moins de deux décennies, entre 3 et 4 millions de personnes ont été déplacées dans le pays depuis le début de la « transition démocratique », lesquelles sont pour la plupart rentrées chez elles. Les autres, craignant toujours pour leur sécurité, ont préféré s’installer dans les provinces où elles ont été accueillies. Il est impossible d’être plus précis, les données ne sont pas disponibles en raison des restrictions d’accès aux zones sensibles imposées par le gouvernement.
Les rapatriés vivent toujours dans des conditions difficiles, tous manquent cruellement d’accès à la terre et à des logements convenables, n’ayant pas encore reçu — en 2015 — de compensation pour la perte de leur biens et de leurs anciennes propriétés.
Vous pouvez aussi consulter en complément de ce billets des données de base, des textes de référence ainsi que quelques cartes dans nos archives :
Données de base, statistiques et textes références :
– Programme de transmigration en Indonésie. Wikipédia propose un résumé bien fait de l’histoire de ce programme de « transmigration », initié par le gouvernement colonial néerlandais qui s’est poursuivi jusqu’en 2015, et qui consistait à organiser le transfert plus ou moins forcé de population des régions les plus peuplées vers les régions les moins peuplées (et de fournir de la main d’œuvre aux grands plantations).
– Indicateurs de développement humain du PNUD pour l’Indonésie.
– Indicateurs économique de la Banque mondiale pour l’Indonésie.
– Mise à jour des informations sur les personnes déplacées en Indonése.
– Indonesia : Internal displacement in brief (2013).
– Peace through development and disadvantaged area (2012) - Fichier pdf (1,4 Mo).
– Decentralisation and Conflict Management in Indonesia and Nigeria - Queen Elizabeth House, University of Oxford, 2008 - fichier pdf (318 Ko)
– The political demography of conflicts in Papua, Jakarta Post, 10 février 2014.
– International Crisis Group : Dynamics of Violence in Papua (2012), Defying the State (2012), The Ongoing Extremist Threat in Indonesia (2011), Decentralisation and Conflict in Indonesia (2005).
– Conflict in Indonesia’s Papua Region (2014), IRIN Asia.
– UN gets input from minority groups, The Jakarta Post, 17 janvier 2014.
– Religious Intolerance Increases in Indonesia Watchdog Says, Setara Institute.
Cartes thématiques complémentaires :
– Asie du Sud-Est et façade pacifique : grandes agglomérations et densités de population
– Asie du Sud-Est et façade pacifique : niveaux de développement économique
– Indonésie : population vivant sous le seuil de pauvreté en 2002
– Indonésie : mortalité des enfants de moins de 5 ans en 2002
– Conflits et déplacements de population en Indonésie
– Les débuts de l’Islam en Asie du Sud-Est
– Asie du Sud-Est : population et religions
– Indonésie : la Papouasie colonisée et exploitée