Au chevet du parc nucléaire vieillissant

#nucléaire #énergie

16 décembre 2021

 

Alors que depuis des années, les programmes de construction de nouveaux réacteurs n’en finissent pas de s’enliser, le parc nucléaire vieillit ; l’âge moyen au niveau mondial est en constante augmentation depuis 1984, et atteint 31 ans environ fin 2021. Dans six pays, l’âge moyen des réacteurs nucléaires civils a atteint ou dépassé 41 ans.

par Julie Hazemann

WNISR

et Agnès Stienne

Les parcs les plus vieux sont en Europe : aux Pays-Bas, qui n’exploitent plus qu’un unique réacteur de plus de 48 ans, et en Suisse, dont la moyenne d’âge des quatre réacteurs a dépassé les 46 ans.

Le déficit de construction, combiné aux multiples retards, conduit également les exploitants à pousser pour la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs existants. Huit ont atteint ou dépassé les 51 ans de fonctionnement : en tête, les deux plus vieux, Tarapur-1 et -2 en Inde (couplés au réseau pour la première fois en avril et mai 1969), talonnés de près par le réacteur suisse de Beznau-1 (couplé au réseau en juillet 1969), ainsi que cinq réacteurs américains mis en service en 1969-70. De nombreux réacteurs ont déjà atteint les 41 ans de fonctionnement dans 18 des 33 pays exploitant actuellement des réacteurs nucléaires ; quatre autres pays au moins ont obtenu des renouvellements d’autorisation, et d’autres leur emboîtent le pas avec des procédures en cours ou en préparation.

Malgré le vieillissement du parc, au 1er novembre 2021, l’âge moyen de l’ensemble des 197 réacteurs déjà fermés dans le monde ne dépasse pas 27,2 ans, et moins de 20 % d’entre eux ont produit de l’électricité sur plus de 41 ans.

En France, pour des raisons économiques, EDF privilégie clairement la poursuite des réacteurs à 50 ans par rapport à un programme massif de construction. Le dossier d’EDF relatif à la prolongation de la durée de vie a été instruit par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et son appui technique, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). En février 2021, l’ASN a donné un accord « générique » conditionnel pour la poursuite de l’exploitation des 32 réacteurs de 900 MW. Leur fonctionnement au-delà de 40 ans nécessite toutefois une procédure spécifique à chaque réacteur, comprenant une enquête publique. En novembre 2021, 19 réacteurs français avaient atteint ou dépassé les 40 ans de fonctionnement, mais la procédure n’a été finalisée pour aucun d’entre eux, et aucune enquête publique ne s’est encore tenue.

Aux États-Unis, 97 réacteurs ont obtenu un renouvellement de licence pour fonctionner jusqu’à 60 ans, mais 9 d’entre eux ont fermé avant cette échéance, et ils ne seront pas les seuls. L’autorité de sûreté, la Nuclear Regulatory Commission (NRC), a également autorisé la prolongation jusqu’à 80 ans de six réacteurs, dont aucun n’a encore dépassé les 50 ans de fonctionnement à ce jour. Sur les 93 réacteurs actuellement en service, 46 ont déjà atteint ou dépassé les 41 ans de fonctionnement, dont sept ont été connectés au réseau il y a 50 ans ou plus ; ainsi, la moitié des réacteurs dont les autorisations ont été renouvelées ont en effet entamé la prolongation de leur durée d’exploitation, et leur nombre augmente rapidement. Toutefois, seuls huit des 40 réacteurs déjà fermés aux États-Unis avaient atteint 40 ans de réseau. Tous autorisés à fonctionner jusqu’à 60 ans, ils ont été fermés avant, essentiellement pour des raisons économiques.

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Recherche et textes : Julie Hazemann ; cartographie et mise en page : Agnès Stienne

Double page Gériatrie technologique : Panorama de la prolongation de fonctionnement des parcs nucléaires mondiaux réalisée pour la Fondation Suisse de l’Energie (Schweizerische Energie-Stiftung SES) et publiée dans le numéro 4/2021 de la revue « Energie & Umwelt » (PDF).

Sources : World Nuclear Industry Status Report (WNISR2021) et base de données WNISR.