Le Caire 2011 : amour, sentiments et territoires d’une « révolution »

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2 septembre 2021

 

Basé en partie sur des témoignages et construit sur le suspense, le récit d’Alaa El Aswany (J’ai couru vers le Nil, paru en 2018 chez Actes Sud), décrit finement, à partir des trajectoires de personnages-clés, la montée en puissance de la révolution égyptienne de 2011, puis la contre-révolution.

Cette contribution évoque, en parallèle des événements, l’évolution des espoirs chez les manifestantes et les « ailes qu’ils leur donnent » pour agir, les processus d’empowerment, de conscientisation et de politisation, l’empathie et l’identification collective au mouvement, les solidarités, l’inventivité sociale et politique, l’amour, mais aussi le doute, la peur, le désengagement, le découragement et, finalement, la haine. Et du côté du pouvoir en place sont mises en évidence les ruses, la duplicité, le mensonge, les collusions de classe et d’intérêt, la violence répressive et la légitimation par l’Islam.

La dimension émotionnelle est traduite ici par une écriture iconographique alternative ; il s’agit de donner de la visibilité aux dimensions sensibles de la révolution, indispensable pour en comprendre les ressorts individuels et collectifs.

Nora Semmoud

Professeure d’Aménagement et Géographie, Université de Tours & UMR 7324 CITERES

Florence Troin

Géographe et cartographe, Ingénieure de recherches CNRS, UMR 7324 CITERES
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Cet article a été publié en version condensée dans Cause commune, n°19, septembre-octobre 2020.
Il a été édité et remis à jour pour Visionscarto.

Au cœur d’une production littéraire foisonnante sur les « Printemps arabes » de 2011, le roman d’Alaa El Aswany [1]J’ai couru vers le Nil – a eu pour nous une résonance particulière pour trois raisons :

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– C’est un récit poignant des événements de 2011 dans la ville du Caire à laquelle nous sommes très attachées ; il fait écho à notre propre militance et, surtout, il accorde une grande place à la dimension sensible, aux émotions ressenties par les manifestantes, pour une fois considérées individuellement au sein d’une action collective. Cette façon de raconter une « révolution » [2], beaucoup plus personnalisée, nous a offert la possibilité de (re)vivre les événements, au plus près des protagonistes qui ont fait tomber Moubarak, en suivant l’évolution de leurs destinées, à la fois politiques, sociales et sentimentales.

– Cette échelle individuelle est rarement traitée dans l’analyse des mouvements sociaux, sauf peut-être quand elle concerne les « leaders ». Il est pourtant évident que cette dimension donne des clés d’analyse, permet de comprendre comment la « révolution » transforme les gens, construit de nouvelles identités, lesquelles, au final, tisseront un collectif plus fort. Cette idée d’imbrication entre l’individuel et le collectif est d’ailleurs la clé de voûte du roman : son écriture procède en effet par enchâssements d’histoires, qu’il s’agisse de la petite (celle des gens) ou de la grande (celle de l’Égypte). Mais l’imbrication agit aussi sur les territoires : ainsi les lieux de vie et du travail finissent-ils par se confondre avec ceux de la contestation.

– Ces mélanges multiples dans le roman d’El Aswany nous semblent traduire la complexité des événements qu’il relate en s’écartant de toute forme de manichéisme ou de simplisme.

Nous partirons de cette idée d’imbrication(s) pour restituer en premier lieu notre lecture de ce roman politique engagé, et en second lieu, revenir sur tout ce qu’il apporte aux réflexions sur les mouvements sociaux de ce début de XXIe siècle, en particulier dans les pays du Bassin méditerranéen. L’ensemble de nos réflexions s’appuiera sur une mise en cartes du roman pour traduire graphiquement et spatialement ces imbrications, et fournir ainsi une autre lecture des événements.

Le contexte

Cette « révolution » s’est traduite par la formation de nombreux cortèges un peu partout dans le pays (Alexandrie, delta du Nil, Haute-Égypte, région du Canal de Suez et nord de la péninsule du Sinaï) dont le plus important a été celui du Caire avec environ 15 000 personnes qui ont convergé, le 25 janvier 2011, vers la place Tahrir, à partir de plusieurs quartiers de la capitale égyptienne, quartiers populaires comme Shubra, Bulaq, Imbaba, ou de classes moyennes et supérieures comme Mohandessin (Pagès-El Karoui, Vignal, 2011). Selon ces mêmes autrices, ces manifestations constituent une double rupture par rapport aux mobilisations de la décennie 2000 et représentent un saut quantitatif – plus grand nombre de manifestantes – et géographique – car c’est l’ensemble du pays qui est concerné.

L’ampleur de ce mouvement de protestation politique et les journées de contestation qui ont suivi, ont provoqué le départ de Moubarak, le 11 février 2011, au prix d’une répression meurtrière. À ce propos, le rapport d’Amnesty International (2011) insiste sur les arrestations arbitraires et la torture, massivement employées contre des milliers de personnes. Le bilan humain de la révolte sur ces 18 jours (25 janvier-11 février) s’élève à plus de 850 décès et près de 6 500 personnes blessées.

Dix ans après, en cette année 2021, la question des traces laissées par ces événements de 2011 se pose avec acuité. Aujourd’hui, le pays tout entier est toujours sous le contrôle implacable du maréchal Al-Sissi : police omniprésente, torture systématisée et économie dégradée. Mais dans les esprits des cairotes qui ont pris part à la « révolution », ne doutons pas que quelque chose a changé, définitivement…

1 — L’imbrication de la petite histoire
dans la grande : de l’individuel au collectif

L’auteur de J’ai couru vers le Nil [3] a choisi de nous narrer la révolution égyptienne par l’évocation des sentiments éprouvés, individuellement ou collectivement, par les protagonistes de sa fiction, contrastant ainsi avec toutes les formes de reportages, plus factuels, fournis par les médias. Parmi ces sentiments, l’amour – à l’instar des grandes scènes du cinéma historique [4] – et son corollaire, la haine, sont convoqués régulièrement, créant par-là même une grande proximité entre le lecteur et la lectrice et les personnages du roman, les héros fictionnels d’une révolution qui a bien eu lieu. El Aswany emporte ainsi notre adhésion, nous oblige à l’empathie, nous force à la solidarité envers des anonymes qui, au fil des pages, deviennent familiers, nous ressemblent [5] et ne sont plus ces pauvres hères habituellement perçus avec une certaine indifférence à travers les images diffusées par la télévision.

Paradoxalement, c’est pourtant à la télévision qu’El Aswany emprunte un mode d’écriture qui a fait ses preuves : l’imbrication des histoires les unes dans les autres, à la manière d’un feuilleton qui fait se succéder dans une même série les personnages, laissant l’intrigue en suspens et la téléspectatrice et le téléspectateur (la lectrice et le lecteur) en haleine, dans l’attente de l’épisode (le chapitre) suivant. En témoignent les dernières lignes de nombre des 73 chapitres et, en particulier, la fin de ce chapitre 21 (p. 154) :

Tout à coup, il entendit un son qui semblait être la sonnerie de la porte. Il écouta un instant et la sonnerie se répéta. Qui pouvait bien lui rendre visite maintenant ? Il traversa le couloir et s’approcha pour regarder à travers le judas. Il vit une femme qu’il ne connaissait pas. ».

Le chapitre suivant (22) démarre par « Cher Mazen » et il s’agit d’une lettre écrite par Asma [6].

L’imbrication des personnages, l’imbrication des chapitres

La structure du roman, constitué de 73 chapitres, semble particulièrement étudiée. El Aswany met en scène une douzaine de personnages principaux, dont l’un – Achraf – est le héros d’un cinquième des chapitres (16). Derrière lui, le couple formé par Asma et Mazen s’échange lettres sur lettres, qui viennent régulièrement – environ tous les trois-quatre chapitres – s’intercaler dans la succession des autres histoires (voir figure 1).

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Fig. 1 - L’imbrication des 73 chapitres du livre et leur répartition selon les onze principaux protagonistes.
© Florence Troin avec Nora Semmoud / CITERES-EMAM, 2021.

Cet enchevêtrement produit un roman très rythmé, plutôt enjoué, jusqu’au moment où sont retranscrits six témoignages (chapitres 41 et 51) qui marquent comme un coup d’arrêt dans le scénario, d’autant plus brutal que les témoignages relatent des faits d’une violence inouïe (tests de virginité, tanks qui roulent sur des manifestants…) d’une part et que ces témoignages, comme le précise une note de bas de page, « […] sont la transcription littérale de déclarations faites à chaud par les victimes et les témoins des événements qu’ils décrivent » (p. 263), d’autre part. L’auteur ajoute que les identités des témoins ont été modifiées pour « leur épargner toute pression de la part d’autorités encore plus rétives à la liberté d’expression qu’elles ne l’étaient dans les premières années qui ont suivi la révolution du 25 janvier 2011 » (idem), ce qui va dans le sens du statut de cet ouvrage, à ce jour (novembre 2019) toujours interdit en Égypte et dans le monde arabe, à l’exception du Maroc, du Liban et de la Tunisie.

L’imbrication des êtres : ceux qui s’aiment,
autant qu’ils aiment la révolution

Le récit tisse des liens entre les sentiments amoureux des couples qui se forment et les sentiments d’estime et de fraternité qui naissent du collectif de la révolution (voir figure 2).

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Fig. 2 - Trois love stories improbables, qu’a pourtant fait naître la révolution.
© Florence Troin avec Nora Semmoud / CITERES-EMAM, 2021.

Il y a d’abord l’amour qui éclot entre Mazen, ingénieur chimiste à la cimenterie Bellini à Turah (une vingtaine de kilomètres au sud du Caire), et Asma, jeune professeure d’anglais au collège Al-Nahda de Mounira (centre-ville), relation amoureuse qui se développe parallèlement à l’engagement croissant de ces deux jeunes adultes dans la révolution. Leur correspondance (23 lettres ou 23 chapitres) fait état d’une autocritique – chez Asma – qui reflète son processus de conscientisation, qui s’accompagne nécessairement de ses doutes et de ses inquiétudes, mais aussi de son affirmation progressive à s’opposer à l’ordre établi, tout autant au sein de son école que dans le cadre/carcan familial. Mazen, plus mûr politiquement, en particulier parce qu’élevé par un père avocat [7], militant socialiste, emprisonné et torturé, puis décédé des suites de maladies contractées en prison, apparaît comme un révolutionnaire plus aguerri et il devient, à ce titre, le mentor d’Asma, mais aussi d’une bonne partie des ouvriers de son usine.

Il y a ensuite l’histoire entre deux étudiantes en médecine, Khaled, issu d’une famille très modeste de Moassera, et Dania, fille du général Alouani, lui-même chef de « l’Organisation » [8], la famille étant basée dans la ville nouvelle de Six-Octobre, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest du Caire. Ici, c’est l’amour impossible entre deux personnes issues de classes sociales opposées. Lui va se donner corps et âme – jusqu’à la mort – et ce même avant le début des événements, et elle vient progressivement à la révolution, mais sa position s’affirme très nettement après l’assassinat de Khaled, après que les masques soient tombés au sein de sa propre famille et, surtout, après que le procès intenté à l’assassin de son amoureux ait disculpé le coupable. Ainsi, Dania parvient-elle à dépasser les préjugés imposés par sa « classe », pour aimer tout à la fois Khaled et la cause qu’il défend[ait]. L’auteur montre ainsi que les frontières entre classes supérieures et classes populaires ne sont pas tout à fait étanches et, qu’au-delà ce que peut refléter une love story, il y a bien eu, dans l’histoire des révolutions, des femmes et des hommes issues de classes sociales aisées qui ont rejoint le mouvement ou l’ont même initié.

Enfin, l’histoire d’amour entre Achraf, copte, la cinquantaine, acteur de cinéma de « seconde zone » et sa femme de ménage, Akram, musulmane et plus jeune. Achraf, qui a épousé une riche héritière, appartient à une classe sociale qui aurait pu/dû l’éloigner de la révolution. Mais sa prise de conscience naît de son indignation face à la répression qu’il observe de son immeuble, situé rue Talaat-Harb (centre-ville), à la hauteur de la place Tahrir. Bouleversé à la fois par le courage des manifestantes et la riposte – meurtrière – des forces armées, il accueille une nuit la jeune Asma venue se réfugier chez lui par le plus grand des hasards. Écœuré par l’hypocrisie de son milieu social, énervé par le comportement de ses enfants ignorants et impressionné par l’attitude d’Asma, il décide de prêter main forte à la révolution, en permettant aux manifestantes de Tahrir de se réunir au rez-de-chaussée de son immeuble, en apportant son concours aux journalistes étrangers, en finançant des séances de projection de vidéos promouvant la révolution. Très exposé, il assume parfaitement et son rôle politique et sa relation amoureuse, auprès de sa famille comme face à l’Église copte.

Autour de ces six personnages principaux gravite une foule de figurantes dont beaucoup, mues par des motivations différentes et des itinéraires plus ou moins linéaires, finissent par rejoindre la révolution. El Aswany, dans son récit, semble extrêmement attaché à les décrire tous très précisément, les inscrivant chacune dans un réseau de relations denses, soit en indiquant leurs origines géographiques (ainsi la famille el-Saqa vient-elle d’Abbaseyya), soit en citant les prénoms des enfants des uns et des autres (Aya et Nasser pour Chaouqi, l’ouvrier de l’usine Bellini), soit encore en faisant une description très détaillée de leurs lieux de vie (l’appartement d’Asmahane, amie d’Asma, rue Mourad dans le centre-ville).

Il semble que ce large panorama des gens [9] qui peuplent Le Caire ait été inspiré à El Aswany par la diversité des patientes qui fréquentent encore aujourd’hui son cabinet de dentiste. Ce qui est sûr, c’est que ces descriptions rendent les personnages encore plus vivants, encore plus proches.

L’imbrication des sentiments : les « dommages collatéraux »
de la révolution

Mais la révolution n’est pas qu’amour. Aux moments de joie et de ferveur succèdent des périodes douloureuses, d’aveuglement, qui font suite à la perte d’un être cher, ou parce que la rancœur a pris la place du sentiment amoureux, ou celle du combat politique. Les personnages ainsi campés sont ceux que l’on pourrait appeler les « actrices malgré elle et les acteurs malgré eux » de la révolution (voir figure 3).

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Fig. 3 - Actrices et acteurs et « contre-actrices et contre-acteurs » de la révolution, de la contre-révolution.
© Florence Troin avec Nora Semmoud / CITERES-EMAM, 2021.

Le premier cas, c’est l’histoire de Madani, le père de Khaled, l’étudiant en médecine froidement assassiné aux abords de la place Tahrir. Madani a travaillé dur pour permettre à son fils d’aller le plus loin possible dans ses études ; mais ses espoirs et l’amour inconditionnel qu’il lui portait ont été emportés par la balle qui a fauché Khaled. Aveuglé par la douleur, trahi par une justice partiale, meurtri par une proposition de dia [10] qui le conforte encore plus dans son projet, Madani mobilise toutes ses économies pour payer un tueur, lequel vengera son fils. Asservi et soumis tout au long de sa vie, le fidèle chauffeur aura donc choisi une voie en totale contradiction avec les valeurs qu’il aura pourtant prônées alors qu’il éduquait ses enfants.

La seconde trajectoire est celle d’Issam Chaalane [11]. Autrefois militant communiste, il a été arrêté et torturé à plusieurs reprises. Son aigreur et sa rancœur se sont alors dirigées vers le peuple égyptien qu’il considère servile, soumis, incapable de se révolter. Il fonde d’ailleurs beaucoup d’espoirs dans l’échec de cet épisode révolutionnaire afin que sa théorie du peuple « peureux et soumis de nature au pouvoir » (p. 110) se vérifie. C’est ce même camarade Hamdi, élu au Comité central du parti en 1972 (p. 224) qui est aujourd’hui directeur de la cimenterie italienne appartenant au groupe Bellini… Ayant perdu toute la confiance qu’il avait pu placer dans l’idée d’un « peuple » égyptien, il a épousé la cause du patronat et, au-delà, celle du gouvernement égyptien.

Le récit de cette « révolution » par El Aswany nous semble proche des approches ethnographiques et microsociologiques auxquelles nous invite D. Cefaï dans son ouvrage Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l’action collective (2011) pour analyser les actions collectives. L’auteur appelle à reconsidérer les apports de l’École de Chicago, comme la dimension affective et culturelle des engagements collectifs. Il s’appuie notamment sur les travaux de R.E. Park, qui étudie les logiques des interactions individuelles en empruntant à la psychologie et à la psychanalyse ; il rappelle également la comparaison que fait l’École de Chicago entre la scène publique et un dispositif théâtral où, grâce à l’identification à des personnages publics, un acteur peut symboliquement jouer un rôle dans le drame social et ainsi se positionner par rapport aux autres acteurs.

2 — Le mouvement révolutionnaire :
l’imbrication des lieux

Germination : actions collectives sur le lieu de travail

Contrairement à l’idée assez fréquemment répandue dans les médias selon laquelle le mouvement révolutionnaire égyptien de 2011 était de nature spontanée, El Aswany met en scène les conditions de sa germination. Ainsi, la grève dans la cimenterie italienne (évoquée dès le chapitre 6) renvoie aux nombreuses luttes qui ont précédé le mouvement dans le monde ouvrier et qui ont fait l’objet d’une très violente répression. Soulignons ici que de nombreux travaux (dont Stadnicki, 2015) ont montré comment les mobilisations sociales et/ou politiques de 2011 dans le monde arabe s’ancrent dans des dynamiques urbaines plus anciennes.

Il y a ensuite les actions collectives dans les établissements universitaires ou le secteur hospitalier (c’est l’histoire de Khaled et Dania, voir en supra) et, enfin, la création de formes d’organisation qui se démarquent des structures syndicales ou partisanes traditionnelles, comme le mouvement Kifaya [12] auquel peuvent se rallier des individus plus isolés, comme Asma [13].
Ces conditions de germination sur des lieux « professionnels » ont sans doute donné une assise plus solide au mouvement révolutionnaire qui reflète une maturité dans l’organisation (création d’une « Commission des 4 » à l’usine par exemple), à l’inverse de tout autre action collective spontanée, qui peut s’éteindre aussi vite qu’elle est apparue.

Développement : construction du collectif et d’identités nouvelles

El Aswany met en évidence un certain nombre de sentiments qui apparaissent au moment de la naissance d’un collectif, une dimension rarement présente dans les recherches plus académiques sur les mouvements sociaux. L’auteur souligne ainsi le bonheur des personnes de se reconnaître dans le groupe, de ne plus se sentir isolées, de retrouver la confiance dans ce peuple que l’on dit pourtant docile, soumis et incapable de la moindre protestation. Les sentiments d’empathie et de fierté qui se développent conjointement se traduisent par la générosité – tant morale que matérielle – que l’on offre à sa nouvelle famille d’appartenance. Ces mêmes sentiments sont portés, renforcés et même exacerbés par la certitude commune d’aller vers un avenir meilleur.

Parallèlement se développent inévitablement des sentiments de dégoût, de colère et de haine à l’encontre de celles et ceux qui, appartenant au pouvoir en place, ne font que réprimer. Le doute et l’humiliation apparaissent également nécessairement face aux pratiques – inimaginables – des forces de l’ordre. Dans les mémoires collectives pèsent aussi les répressions meurtrières du passé qui influent obligatoirement sur les directions à prendre.

Néanmoins, ce mouvement construit à la fois un collectif – qui apparaîtra aux yeux de toutes et tous sur la place Tahrir – et des nouvelles identités en matière, notamment, de conscientisation, de politisation et de citoyenneté (Bacqué, Biewener, 2013). Mais pour y parvenir, le mensonge s’invite inévitablement dans le cours de l’histoire : mensonge de Dania qui « doit » aller soigner les blessées, mensonge d’Asma qui dit aller chez une amie, dans les deux cas pour mieux participer aux manifestations. Seul Achraf assume, tant dans le domaine politique que sentimental, ses nouvelles positions, qu’il défend même âprement.

Prolongation : imbrication spatiale des lieux de lutte

Les interactions entre les lieux emblématiques du mouvement de protestation et les luttes au sein des lieux « du travail » sont bien mises en évidence dans le récit d’El Aswany, en particulier par l’entremise des échanges de lettres entre Asma et Mazen. Elles accréditent ce que nous développions précédemment sur les bases de ce mouvement.

La centralité du mouvement s’est cristallisée dans celle, spatiale, de la ville : la place Tahrir bien évidemment, les rues Mohamed Mahmoud et Qasr-el-Aïni, la corniche et les bords du Nil (événements de Maspero). Mais chaque lieu de travail est concerné, formant ainsi comme des « prolongements » : la cimenterie, le collège, l’hôpital (voir figure 4). À une échelle plus large, d’autres villes égyptiennes ont elles aussi connu des manifestations (Alexandrie, Assouan).

Cette façon de relater les événements fait dire à El Aswany que, seule, la place Tahrir ne serait pas parvenue à faire plier le pouvoir ; avec le relais des luttes syndicales et celles des citoyennes de l’ensemble du pays, les manifestantes deviennent plus fortes.

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Fig 4 - L’imbrication des lieux de la contestation, de résidence et du travail.
© Florence Troin avec Nora Semmoud / CITERES-EMAM, 2021.

Petite pause dans la contestation : le repli sur soi dans l’espace privé

Les espaces domestiques et les formes d’appropriation dont ils font l’objet constituent une dimension importante du roman. Mais avant cela El Aswany accorde beaucoup de crédit aux lieux de résidence des unes et des autres dans la ville, donnant pour chaque quartier cité – en note de bas de page [14] – ses caractéristiques socio-spatiales : ainsi Medinet Nasr (d’où serait originaire un éventuel fiancé de Dania) est « un quartier du Caire généralement habité par les classes moyennes supérieures ou les nouveaux riches » (p. 37) alors que Moassera (où réside la famille Madani) est « ce quartier pauvre où les enfants jouent pieds nus » (p. 261).

Ensuite, l’organisation et les usages des intérieurs, de même que l’ameublement, s’avèrent être essentiels pour saisir les hiérarchisations sociales et spatiales des individus et de leur famille. D’un côté, la description de l’appartement d’Achraf, rue Talaat-Harb, en plein centre-ville (p. 32) :

[…] un appartement comme celui où ils habitaient avec ses sept vastes pièces et ses hauts plafonds à la mode ancienne, ses deux salles de bains et ses deux cuisines, son grand balcon où dix personnes peuvent aisément prendre place, sans compter les trois petits balcons des chambres à coucher. »

De l’autre, celui de Madani, à Moassera :

Le salon était une pièce étroite qui ne s’ouvrait que pour certaines occasions. Il était meublé de quatre fauteuils et d’un canapé imitant vaguement le style Louis XIV. Au milieu de la pièce, sur une table recouverte de faux marbre blanc, se trouvait une bonbonnière de porcelaine bleue. Aux murs, il y avait des versets du Coran et des hadiths du Prophète. »

Cette entrée par l’habiter met en relief les alternances entre les moments dans l’espace public (le dehors) et dans l’espace privé (le dedans) et montre dans le retour chez soi (face à soi) les effets du mouvement révolutionnaire sur les unes et les autres.

Un lieu emblématique : « sur la place, tout était organisé »

Le récit d’El Aswany sur l’organisation de la place Tahrir (voir figure 5) met en évidence les compétences des participantes, rassemblées dans des commissions, elles-mêmes coiffées par une commission de coordination. Les groupes se concertent pour se répartir responsabilités et tâches : il faut gérer le service d’ordre et la sécurité, la logistique et l’alimentation, l’hôpital de campagne et l’acheminement des blessés, la propreté du lieu, les quêtes, etc. La cohérence et la convergence des mots d’ordre du mouvement laissent supposer qu’à ce niveau aussi, les manifestantes procèdent par concertation, avec une vigilance par rapport à l’instrumentalisation du mouvement ou son dévoiement.

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Fig. 5 - « Une petite république indépendante » : l’organisation de la place Tahrir du roman.
© Florence Troin avec Nora Semmoud / CITERES-EMAM, 2021.

Par ailleurs, El Aswany montre comment le mouvement fait preuve d’innovation sociale pour poursuivre la lutte. Des groupes se sont organisés pour aller casser l’entreprise de désinformation et de stigmatisation du mouvement et, a contrario, « faire connaître la vérité et laisser les gens face à leur conscience » (p. 391). Ces actions se caractérisent par des incursions dans certains quartiers (Mounira, Sayyeda Zeinab) – rapides pour éviter la répression – où sont projetées de courtes vidéos (voir figure 4).

On remarque que ce mouvement enclenche des dynamiques politiques nouvelles, décalées par rapport aux formes traditionnelles, partisanes ou syndicales, qui répondent généralement à la désaffection du politique. Dans le même temps, une certaine euphorie et un manque d’expérience et de politisation rendent le mouvement fragile. Le refus de leaders désignées et de représentantes caractérise ces mouvements et les fragilisent peut-être.

3 — Le pouvoir organise la contre-révolution :
la dimension politique du roman

Une plume caustique pour une critique acerbe

Autant l’auteur fait preuve d’empathie pour les actrices et les acteurs du mouvement révolutionnaire, autant il est implacable dans sa critique politique du pouvoir en place. Il met à nu les collusions de classe et d’intérêts qu’organise le pouvoir pour se maintenir, sa violence répressive, ses ruses, sa duplicité et ses mensonges, mais aussi la façon dont il utilise l’Islam pour légitimer son entreprise de déstabilisation du mouvement. El Aswany décrit un véritable complot du pouvoir, réunissant et mobilisant toute sa base clientéliste où chacune a un rôle précis dans la contre-révolution, les médias sont chargés de stigmatiser le mouvement de protestation aux yeux de l’opinion, les hommes d’affaires de soutenir financièrement, etc. Cette idée de complot apparaît comme une caricature de ce qui s’est passé réellement.

Le Conseil suprême des forces armées, une institution convoquée après la destitution du président Moubarak, qui avait officiellement le rôle d’organiser la transition a en fait, méthodiquement, entrepris d’étouffer le mouvement de protestation politique et de supprimer toutes les formes de contre-pouvoir qui commençaient à se mettre en place. Dans cette perspective, une vraie campagne d’intimidation et de répression a touché largement tous les pans de la société civile, les organisations non gouvernementales, celles et ceux qui défendent les droits humains, les journalistes, et plus généralement toute voix s’écartant un tant soit peu du discours officiel. D’aucuns pensent que cette campagne répressive constitue une véritable régression par rapport à l’époque Moubarak : « Procès inéquitables, torture, disparitions forcées, exécutions sommaires sont des pratiques courantes de l’appareil sécuritaire. Mises en œuvre au nom de la sécurité de l’État, elles signalent une véritable régression par rapport à l’époque Moubarak. » (Berger, 2018).

Des rapports de pouvoir et de domination

La critique politique acerbe d’El Aswany nous fait penser à deux auteurs, d’abord à M. Foucault et ses travaux sur les relations de pouvoir et de domination. Sur cette question, M. Foucault (2001a, p. 1539) souligne :

[Qu’] il ne peut y avoir de relations de pouvoir que dans la mesure où les sujets sont libres. Si un des deux était complètement à la disposition de l’autre et devenait sa chose, un objet sur lequel il puisse exercer une violence infinie et illimitée, il n’y aurait pas de relations de pouvoir. Il faut donc, pour que s’exerce une relation de pouvoir, qu’il y ait toujours des deux côtés au moins une certaine forme de liberté. »

Selon M. Foucault toujours (2001b, p. 1625), les relations de pouvoir sont dépendantes de la liberté des sujets. Dès lors qu’elles sont bloquées, il y a état de domination :

[...] Lorsqu’un individu ou un groupe social arrive à bloquer un champ de relations de pouvoir, à les rendre immobiles et fixes et à empêcher toute réversibilité du mouvement – par des instruments qui peuvent être aussi bien économiques que politiques ou militaires. »

C’est bien ce rapport de force de domination que le pouvoir met en place, en supprimant pour longtemps la liberté instaurée par le mouvement de protestation. Ainsi, jusqu’à la chute de Moubarak, on peut considérer qu’il y avait des relations de pouvoir, lesquelles ont ensuite été balayées par une répression, de plus en plus violente et meurtrière, qui a instauré des rapports de domination.

H. Lefebvre (1970, 1974) avait déjà analysé la cécité des pouvoirs en place à l’égard de l’organisation sociale, en l’expliquant par la puissance de l’idéologie. L’auteur indique à travers une terminologie variée, comme le champ aveugle, le « non-voir » et le « non-savoir », que l’attitude des autorités pouvait osciller entre le refus de voir et de savoir, la méconnaissance et l’absence de discernement et de clairvoyance. H. Lefebvre (1970, p. 44) souligne à ce propos que :

L’aveuglement, le non-voir et le non-savoir impliquent une idéologie. Les champs aveugles s’installent dans la représentation. Il y a d’abord la présentation des faits et des ensembles de faits, la façon de la percevoir et de les grouper. Il y a ensuite la re-présentation, l’interprétation des faits. »

Les rapports de domination que met en place le pouvoir et la puissance de son idéologie correspondent à la notion d’État patrimonial développée par de nombreux auteurs sur les régimes africains, notamment D. Bach et M. Gazibo (2011). À l’instar d’autres pays, l’intérêt de cette notion dans le cas de l’Égypte est qu’elle traduit la confusion du public et du privé, et la privatisation de l’État, ces deux aspects permettant de mettre en lumière les logiques de fonctionnement suivantes : corruption économique, corruption liée à l’échange social, clientélisme, patronage, copinage, népotisme, tribalisme (régionalisme), prébendalisme. Ainsi, la coalition qui se forme dans le roman pour déstabiliser la « révolution » répond-elle à ces différentes caractéristiques et renvoie dans la réalité à un système d’oligarchie où les pouvoirs sont détenus par une classe privilégiée, avec une absence quasi totale de contre-pouvoirs, y compris dans les médias.

Des modes de régulation pas du tout fictionnels

À travers le récit de la campagne de déstabilisation de la « révolution » par le pouvoir en place, El Aswany met en évidence des dimensions fortes aujourd’hui, en matière de modes de régulation politique, dans le monde arabe.

Il s’agit, tout d’abord, du rôle central que (dé)tient l’armée dans la déstabilisation/répression, alors que, dans les mémoires collectives des Égyptiennes, cette institution est restée populaire parce qu’elle a combattu pour l’Indépendance du pays et contre Israël. Le pouvoir joue ainsi de cette ambiguïté, sans doute à l’origine de la confiance d’une grande partie de la population égyptienne dans la propagande de l’armée contre le mouvement de protestation politique.

En deuxième lieu, il existe un jeu politique entre le pouvoir de transition et les islamistes, le premier instrumentalisant le second et réciproquement, mais dans tous les cas, la religion est utilisée pour légitimer les choix politiques du pouvoir en place. C’est le cheikh Chamel – à l’origine guide touristique, puis responsable administratif d’un club de sport et enfin prédicateur ! – qui incarne, en dehors des mosquées, le rôle de « l’influenceur », celui que l’on convie sur les plateaux TV pour propager la « bonne parole » :

Je leur dis que ceci est un complot maçonnique organisé par les juifs pour détourner les musulmans de leur religion. Je dis à mes enfants qui sont sur la place Tahrir : vous vous êtes laissé fourvoyer par les fils de Sion. Demandez pardon à Dieu et repoussez une sédition qui risque de plonger notre pays dans un bain de sang. Vous, les jeunes, retournez chez vous. Ce n’est pas cela la voie du changement. Vous détruisez l’Égypte et vos propres mains. Revenez à Dieu, revenez à Dieu. » (p. 185)

Il est aussi à maintes reprises question du rôle – terrible – qu’ont joué les médias, et en particulier la télévision, dans la confiscation de la parole libre, dans la mise en scène du mensonge, des fake news et des campagnes d’intoxication. C’est par l’entremise du personnage de Nourhane cette fois qu’El Aswany dénonce la puissance des chaînes de télévision. D’origine modeste [15], la « star de la télévision » – après des études de géographie à la Faculté des Lettres de Mansourah ! – épousera trois hommes qui lui feront gravir l’échelle sociale, pour devenir enfin, au contact de son troisième mari, présentatrice vedette d’émissions [16] dont le seul but est de combattre la « révolution », faux-témoignages à la clé et avec une argumentation à laquelle les Égyptiens sont particulièrement sensibles : le complot contre le pays, en provenance de l’étranger en général, de l’« Amérique » et surtout d’Israël en particulier.

Faux-témoignage de Mouna :

Nous sommes à peu près cinq mille garçons et filles de tous les gouvernorats d’Égypte. Nous avons tous été entraînés et nous avons tous touché de l’argent. Certains ont été entraînés en Israël et d’autres en Serbie, au Qatar ou en Turquie, mais les formateurs étaient généralement israéliens ou américains. » (p. 313)

Nourhane :

— Bravo Mouna, vous avez été formidable !

C’était une fille mince de petite taille, voilée, élégamment vêtue. Elle hochait la tête avec gratitude en haletant, émue comme une comédienne professionnelle après la fin de la représentation. » (p. 313)

Enfin, le pouvoir instrumentalise les divisions confessionnelles (ou ethniques dans d’autres pays du monde arabe) dans le but de se préserver. Ainsi la répression meurtrière de la manifestation de Maspero (9 octobre 2011, une quarantaine de morts) a été justifiée par le fait que les manifestantes étaient coptes, donc supposées être opposées à l’Islam ; dans la réalité, le mouvement pacifique rassemblait coptes et musulmans, contre le pouvoir en place :

Je pensais aux slogans qu’on entendait à côté pendant tout ce temps-là : “Musulman, chrétien, une seule voix” » (p. 332)
« C’était noir de monde. Des musulmans et des coptes. C’étaient des gens qui n’avaient pas aimé la façon dont avait été dispersée l’occupation de la place Maspero. Qui n’avaient pas aimé que les églises brûlent impunément et sans réaction. Ils sont descendus avec comme slogan “chrétiens, musulmans, une seule main” » (p. 333)

C’est ainsi que montent sur la scène des événements, dans le roman comme dans la réalité, des personnages beaucoup moins « sympathiques » (cheikh Chamel, Chanouani, Nourhane), instrumentalisés (voir figure 3 l’Assemblée des 100 représentants) et armés, en particulier les beltagui [17].

Épilogue - Les mouvements de résistance
vu « du dedans »

Les sentiments qu’ont suscités la lecture du roman d’Alaa El Aswany chez les géographes que nous sommes justifient le choix de ce récit pour mettre en exergue, dans un premier temps, les dimensions généralement absentes des analyses politistes, celles du vécu et des émotions des protagonistes de ce que l’on nomme une « révolution » (Stadnicki, 2015). Si les sciences politiques ont analysé la révolution égyptienne comme une pratique de la souveraineté populaire qui a permis de faire tomber la tête du régime (Moubarak), El Aswany restitue quant à lui un double paysage : celui de personnages représentatifs de cette « révolution », et un paysage urbain investi par les manifestantes dans un rapport affectif, individuel et collectif.

Les mouvements de protestation politique actuels [18] en Algérie [hirak], au Liban et ailleurs (Iran, Hong Kong, etc.) et les revendications de changement de système et de démocratisation qu’ils portent nous ont rappelé la « révolution » égyptienne de 2011.

Au-delà des comparaisons qui peuvent être faites du point de vue de l’analyse politique ou géopolitique de ces mouvements, nous avons pour notre part focalisé cette contribution sur les dimensions émotionnelle, sentimentale et territoriale de ces expériences humaines collectives où « les êtres donnent le meilleur d’elles et eux-mêmes » [19].

Pour revenir sur la dimension politique des mouvements sociaux et, suivant L. Mathieu (2004), ils sont devenus un élément central de la vie politique de nos sociétés et une composante fondamentale de la démocratie. Contrairement à la thèse de J.-C. Kaufmann (2019) sur la fin de la démocratie, nous rejoignons les autrices et les auteurs qui soulignent que ces mouvements, par leur ampleur et leur radicalité, affectent les consciences des protagonistes directs ou indirects et, ainsi que le souligne à nouveau L. Mathieu (2004), pour mai 68 en France, leur statut de référence historique est plus lié aux répercussions qu’ils induisent qu’aux événements en eux-mêmes.

Bibliographie

 Bacqué M.-H., Biewener C., 2013, L’Empowerment, une pratique émancipatrice ? Paris, La Découverte, coll. « Poche », 175 p.

 Bach D.C., Gazibo M. (dir.), 2011, L’État néopatrimonial. Genèse et trajectoires contemporaines, University of Ottawa Press, 360 p.

 Berger C., « L’Égypte du général Sissi, entre réaction et aspirations révolutionnaires », Politique étrangère, 2018/1 (Printemps), p. 65-75. DOI : 10.3917/pe.181.0065

 Cefaï D., 2007, Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l’action collective, Paris, La Découverte, coll. « Recherches – MAUSS », 736 p.

 Foucault M., 2001a, « Pouvoir et corps », in Dits et écrits, vol. I, Paris, Gallimard.

 Foucault M., 2001b, « L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté ; entretien avec H. Becker, R. Fornet-Betancourt, A. Gomez-Müller, 20 janvier 1984 », in Dits et Écrits, vol. II, Paris, Gallimard.

 Kaufmann J.-C., 2019, La Fin de la démocratie. Apogée et déclin d’une civilisation, Paris, Les Liens qui Libèrent (LLL), 192 p.

 Lefebvre H., 1970, La Révolution urbaine, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 248 p.

 Lefebvre H., 1980, La Présence et l’absence. Contribution à la théorie des représentations, Paris, Casterman, 203 p.

 Mathieu L., 2004, Comment lutter ? Sociologie et mouvements sociaux, Paris, Textuel, coll. « Essais et documents », 206 p.

 Pagès-El Karoui D., Vignal L., 2011, « Les racines de la “révolution du 25 janvier” en Égypte : une réflexion géographique », EchoGéo, Sur le Vif, mis en ligne le 27 octobre 2011 ; DOI 10.4000/echogeo.12627

 Stadnicki R. (dir.), 2015, Villes arabes, cités rebelles, Paris, Éditions du Cygne, coll. « Recto Verso », 197 p.