Depuis la fin de l’Union soviétique en 1991, la Russie a acquis une solide expérience en matière de « partenariats public-privé » (PPP). C’est même pour en favoriser le développement que furent créées nombre de « zones économiques spéciales » (ZES), ainsi qu’un important « fonds d’investissement russe » (FIR). Dans ce contexte, toute une série de projets de développement urbains et industriels ont été imaginés par les autorités russes, dont beaucoup commencent à se matérialiser.
Dans la région du Caucase-Nord, plus d’une trentaine de ces coûteux projets (1 200 milliards de roubles, soit 15,4 milliards d’euros d’investissement) ont été initiés entre 2012 et 2014, dans des domaines très variés : agro-industrie, tourisme, matériaux de construction, énergie et transport.
Ces initiatives auraient dû contribuer à l’essor des économies régionales, créer une dynamique de croissance, améliorer les revenus et ouvrir de nouvelles perspectives pour l’emploi.
Chaque projet, affecté à des investisseurs privés soigneusement choisis, était assorti d’une enveloppe d’aides publiques. Ce sont les infrastructures touristiques qui ont reçu les plus gros budgets, principalement les parcs d’activités et de loisir d’Arkhyz, Veduchi, Elbrus-Bezengi, Mamison, Lagonaki, Matlasu, Tsori, le long de la côte de la Mer Caspienne.
Mais lors de la phase de démarrage de ces projets, ça ne s’est pas passé tout à fait comme prévu.
Tout d’abord, l’importance des budgets a suscité la convoitise de ce qu’on peut appeler « les lobbies industriels régionaux », qui ont très activement œuvré pour que le gouvernement garantisse leurs propres intérêts…
Ensuite, les autorités se sont aperçu que de nombreux terrains n’étaient pas enregistrés au cadastre, et qu’il n’existait aucun document démontrant la détention d’une quelconque propriété foncière. Pour la station de ski de Dombai, par exemple, bâtie pour l’essentiel durant la période soviétique, il a été impossible de trouver le moindre document foncier légal ! C’est pourquoi, lors de la phase de sélection des initiatives de développement, Dombai fut abandonnée — au profit d’Arkhyz, où la population s’est fortement opposée au projet, par crainte de perdre ses pâturages traditionnels.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des problèmes, les gros investisseurs « extérieurs » privés se sont heurtés aux « logiques économiques régionales ». D’une part, le fonctionnement complexe des administrations locales et régionales, très fortement corrompues, est un handicap et ralentit considérablement les processus d’attribution. D’autre part, les acteurs économiques locaux – en général de petits entrepreneurs – ainsi qu’une partie de la population ont exprimé leur méfiance voire leur hostilité envers une administration soupçonnée de les priver de leur « part du gâteau » en privilégiant les gros joueurs, sans garantir que ces investissements apportent croissance économique et emploi.