Otto Neurath conçoit l’Isotype [2] comme une langue internationale qui rend l’information accessible à des personnes de toutes cultures et de tous niveaux d’instruction. Plus universelle que n’importe quel idiome, l’image permet de rapprocher les gens : « Les mots divisent, les images relient ! »
Pictogrammes
Les symboles de l’Isotype sont simples et univoques. Le signe représentant l’être humain ne doit pas donner l’idée d’une personne particulière, mais être représentatif de l’animal humain en général. Pour représenter un groupe humain, on assemble plusieurs symboles individuels.
Couleurs
Sur ce graphique, les symboles rouges représentent les naissances, les symboles noirs les décès. Par convention, les couleurs sont réservées à certains domaines : le rouge pour l’industrie, la machine, le métal, la chaleur, le présent, l’ouvrier… le vert pour le bois, l’herbe, le champ, la jeunesse…
Compter
L’Isotype sert surtout à visualiser des données chiffrées. Plutôt que d’imposer de compter des colonnes et des lignes de chiffres, il synthétise les données. Chaque pictogramme représente une quantité fixe, ici chaque gueuse (une brique de 10 kg) représente 5.000.000 tonnes de fonte brute. Tout l’art de l’Isotype consiste en l’agencement judicieux des lignes pour apprécier d’un seul coup d’œil les masses de part et d’autre d’un axe central.
Il convient d’écarter tous les détails inutiles. Nos capacités de discernement et de mémorisation étant limitées, l’image doit être la plus dépouillée possible : mieux vaut se souvenir d’une seule image simple que d’en oublier d’innombrables plus riches et plus complexes.
Assemblages
Le propos d’un graphique doit être saisi au premier coup d’œil, les informations importantes au deuxième et les détails au troisième regard. Si l’on découvrait encore quelque chose au quatrième coup d’œil, l’image serait tout simplement mauvaise. L’assemblage de différents pictogrammes représente une économie de moyens conséquente et permet de parvenir à cette simplification de l’image.
Le symbole « chaussure » associé au symbole « usine » donne le symbole « chaussure – usine », soit « usine de chaussure ». Les chaussures produites en usine sont représentées par une personnes devant sa machine, celles confectionnées manuellement par un cordonnier à son enclume.
Syntaxe
Les symboles associés entre eux ou sur le plan permettent d’élaborer la syntaxe de l’Isotype. Un épi de blé représente la production de cette céréale, l’épi sur une barque représente son transport : si la silhouette est pleine, il s’agit d’une production exportée, si la silhouette est évidée, il s’agit d’une importation.
De même, pour les grains de café, nous avons les significations suivantes : production de café, exportation de café, importation de café, stock de café détruit, stock de café, etc.
Une brique de charbon associée à une flamme signifiera qu’elle est consommée, pareil pour un baril de pétrole et une turbine dont on exploite l’énergie.
Ces jeux de symboles associés à un fond de carte donnent la narration suivante : « La plupart du café est produit en Amérique du Sud, mais un tiers est destiné à être détruit. Une toute petite partie est utilisée en Amérique du Sud même. Le reste part pour d’autres pays. Ensemble, le Canada et les États-Unis consomment autant de café que l’Europe et l’Union soviétique réunies. La quantité de de café en stock est presque aussi importante que la production d’une année… » Voici donc une « carte à lire ».
Cartographie
En son temps, l’Isotype a bousculé les conventions de la représentation cartographique. Une localisation précise des phénomènes peut ne pas être nécessaire, voire nuire à la clarté de l’information. Le fond de carte peut donc très bien être remplacé par l’indication de la distribution de six grands blocs :
Canada/USA – Europe – Union soviétique
Amérique centrale et du Sud – Afrique/Asie du Sud/Australie – Extrême-Orient
De même, pour indiquer la densité d’habitation, on peut parfaitement se passer de la carte :
Signalétique
En fait, le design de l’Isotype est omniprésent dans nos vies, de la signalisation routière aux modes d’emploi...
La méthode Isotype a été conçue comme un outil de communication et de compréhension universel. Sans prétendre être une panacée pour faire advenir une humanité pacifiée et solidaire, elle représentait une tentative pour « débabéliser » un peu un monde qui a du mal à se comprendre.
↬ Nepthys Zwer