La Caspienne est-elle une mer ou un lac ?

#Mer_Caspienne #Ex-URSS #URSS #Frontières #Caucase #Asie_centrale

30 août 2016

 

par Philippe Rekacewicz

Dès 1991, les accords de 1921 et 1940 sur le partage de la Caspienne entre les deux pays « riverains » d’alors, l’Iran et l’Union soviétique, ont dû être remis sur la table et renégociés avec les trois nouvelles républiques issues de l’implosion de l’URSS : Azerbaïdjan, Turkménistan et Kazakhstan.

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Le difficile partage de la Mer Caspienne
Carte : Ph. Re. 2005.

Les discussions sont toujours en cours en 2016, aucune solution globale et acceptable par les parties n’ayant été trouvée. Quelques accords partiels signés dans l’urgence permettent cependant d’exploiter certaines zones pétrolifères. Ce fut le cas en 2003 entre la Russie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan pour relancer le développement de la région située dans le nord de la Mer Caspienne. Par ailleurs, les cinq pays riverains se sont entendus pour reconnaître la souveraineté de chaque État sur la partie des fonds marins situés entre leur côte et 15 miles marins. Cela reste modeste, mais c’est un petit progrès quand même.

En septembre 2015, les cinq pays se sont réunis pour reprendre les discussions sur le partage de la mer, sans aucune avancée significative. Les revendications restent inchangées et aucun pays ne semble prêt à céder le moindre millimètre à ses voisins. Bien sûr, la difficulté n’est pas tant de garantir la taille des espaces maritimes nationaux, que de partager les immenses réserves d’hydrocarbures off-shore.

Le différend le plus sensible est sans doute la qualification de la Caspienne.

On l’appelle mer, mais certains acteurs souhaiteraient que la Caspienne soit reconnue en tant que lac, pour des questions de droit. Le « droit de la mer » — c’est-à-dire la convention des Nations unies de 1982 — confisquerait à l’Iran, par exemple, une grande partie de l’espace qu’il revendique.

Pour leur part, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et le Kazakhstan considèrent que la Caspienne est une mer et que son partage doit être déterminé en fonction de la forme de la côte et du plateau continental.

La position russe est un peu plus floue. Le ministère des affaires étrangères a rejoint l’Iran sur l’option « lac », convaincu qu’elle garantirait au mieux les intérêts russes. En revanche, le ministère de l’énergie — soutenu par les lobbies pétroliers — a publiquement contredit ses collègues des affaires étrangères en défendant l’option « mer » qui, selon lui, permettrait une exploitation beaucoup plus profitable des ressources.

La position incohérente de la Russie pourrait se résumer de la façon suivante : “Utilisation commune des eaux de surface, partage des fonds marins.” Avec une telle approche, la Russie sécurise la navigation en surface et renforce sa suprématie navale tout en restant très pragmatique pour ce qui concerne l’exploitation des ressources énergétiques. »
Luke Coffey, Al-Jazeera, 7 septembre 2015.

Une troisième option est aussi envisagée, celle de transformer la Mer Caspienne en un « condominium » c’est à dire d’en faire un espace marin régulé par un système de souveraineté partagée. Mais vu l’état des relations entre ces pays, on en est encore très loin.

Le journal en ligne « Azeri Daily » a publié un compte rendu de la réunion de Moscou en septembre 2015. Notre carte y était reproduite sans aucune mention ni crédit, ainsi qu’une photo de Brejnev saluant le Shah d’Iran apparemment reprise de Wikipedia. L’article est à prendre avec beaucoup de pincettes, mais il contient quelques informations intéressantes.

 Caspian legal status on the move forward, par Theodore Karasik, 27 septembre 2015.

On peut aussi consulter avec intérêt la synthèse publiée par Chattham House :

 « The Caspian Sea Legal Status and Regime Problems » (PDF), août 2015.